
Tadao Ando, Chichu Museum.5,jpg, ©Matias Frick
Ce film rend hommage à l’un des architectes les plus renommés au monde : Tadao Ando — le maître (ou peut-être le serviteur) de la lumière et du béton — et nous offre un regard sur son travail d’élaboration, ses sources d’inspiration et ses motivations.
La lumière

Church of the light, Tadao Ando, ©Mathias Frick
Une première partie nous fait pénétrer au coeur de la Church of the Light, construite en 1989 à Osaka, où Tadao Ando nous parle de son amour inconditionnel de la lumière et de l’importance essentielle de celle-ci dans ses réflexions et ses constructions.

Church of the light 3, Tadao Ando, ©Mathias Frick
Dessinée avec la pensée lancinante de la lumière du Panthéon et de celle de l’Église de Ronchamp du Corbusier,Church of the light a été pensée comme un lieu où la lumière accueille les êtres et les invite à la réflexion, en même temps qu’elle établit entre les humains et la nature une forte relation.

Church of the light, 2,Tadao Ando,©Mathias Frick
Tadao Ando rend hommage à ses inspirateurs et poursuit : L’essence de l’architecture est d’ouvrir les cœurs des gens et de les remuer d’une telle manière qu’ils soient heureux d’être sur terre. L’architecture est éthique.

Church of the light 4, tadao Ando, ©Mathias Frick
Genèse de son oeuvre
Il devint architecte en regardant les artisans travailler sur la maison de son adolescence, bâtiment à toit plat d’un étage auquel fut rajouté un second étage. La vision du changement de physionomie d’une pièce apporté par une modification de la provenance de la lumière lui fit décider de sa vocation future : architecte ou artisan. Il travailla ainsi dans différentes cabinets d’architectures, jamais plus de trois mois tant il avait de peine à rester subordonné. Pendant une année, il dévora tout ce qu’il put sur l’architecture, puis, à l’âge de 29 ans, fonda sa propre compagnie. Du fait de son absence de tout diplôme universitaire, ses débuts furent difficiles. Sa pratique de la boxe, l’amène à voir un rapport entre les deux activités : Afin de survivre, vous devez rester concentré jusqu’à la fin. Fidèle à la ville qui lui offrit de construire, alors qu’il n’avait aucun diplôme universitaire, l’architecte fonda son agence à Osaka. L’on peut voir le maître à l’oeuvre avec ses collaborateurs en train de dessiner en même temps qu’il explique ses convictions sur le processus architectural. En architecture ce n’est pas le bâtiment final qui est important, c’est son élaboration. Si le processus n’est pas intéressant, aucune architecture de valeur ne peut en émerger.

Tadao Ando, 4×4 House, Kobe,©Mathias Frick
Je ne sais pas ce qui fait une bonne architecture. Mais nous essayons d’approcher chaque projet d’une manière aussi novatrice que possible. Cependant innovation ne signifie pas nouvelle architecture, mais nouvelle pensée.
The Rokko Housing, construit de 1978 à 1985 à Kobe, fut le premier bâtiment en escalier du Japon.

Tadao Ando ,The Rokko Housing, Kobe, © Mathias Frick
Son style
Tadao Ando manifeste d’emblée un style qui persistera tout au long de sa carrière. C’est ce que souligne l’architecte suisse Peter Zumthor qui lui rend un bel hommage : Il est un architecte artistique qui poursuit ses travaux dans la persistance, avec une intégrité qui ne peut être détournée par ceci ou cela. (…) Une attitude incroyablement radicale et élémentaire. (…) Radicalité qu’il m’a encouragé à suivre.

Tadao Ando,Sumiyoshi House, Osaka 1976, ©Mathias Frick
Il commente ainsi la Sumiyoshi House construite à Osaka en 1976 : le courage de construire avec du béton d’une manière nette, angulaire, puissante. (…) Une absence absolue de peur de l’ombre que j’ai aimée immédiatement.

Tadao Ando,Sumiyoshi House,2, Osaka 1976, © Mathias Frick
En effet, si l’architecte est l’artisan de la lumière, c’est également un adorateur de l’ombre, et l’on songe au livre de Junichiro Tanizaki dont le titre, Eloge de l’ombre, pourrait qualifier le travail de l’architecte. Rechercher le beau dans l’obscur, pour reprendre les mots de Tanizaki.

Tadao Ando,Sumiyoshi House,2, Osaka 1976, © Mathias Frick
Les matériaux
Mais son oeuvre, c’est également un matériau : le béton. Utiliser un matériau ordinaire pour créer quelque chose d’unique.(…) Le béton du modernisme international a toujours été critiqué comme inhumain.(…) Pour les Japonais, des matériaux comme le verre, le béton ou l’acier ne sont pas considérés comme non naturels ou en contradiction avec la nature.

Tadao Ando-Langen Foundation, Neuss, 2004
Les Japonais nous apprennent la version chaleureuse et humaine de l’abstraction formelle, commente Markus Brüderlin, directeur du Art Museum de Wolsburg, qui poursuit : Je crois que c’est l’un des messages centraux de Tadao Ando.

Tadao Ando, Langen Foundation, Neuss, 2004
The invisible house

Tadao Ando, Invisible House, 2004., ©Mathias Frick
C’est le traitement unique que confère l’architecte au béton, son esthétique particulière, qui le fait choisir par des clients privés, comme Alessandro Benetton, par exemple, pour sa propre maison : The Invisible House.

Tadao Ando, Invisible House, 2004, ©Mathias Frick
Deux cultures
Son génie réside dans sa connaissance de deux cultures : le modernisme occidental et la tradition japonaise.
Pour la conception du Temple of Water à Awaji, construit entre 1988 et 1991, il choisit de faire passer un chemin au milieu d’un étang afin de guider le visiteur à travers les lotus, symbole du bouddhisme, jusqu’en bas, près de la source. Il se heurtait, ce faisant, à la tradition qui place la dignité du temple à la hauteur de son sol et son oeuvre fut critiquée puisqu’il avait remplacé le sol par un étang semé de lotus.

Tadao Ando-Temple of Water, ©Mathias frick
Intégrer la culture japonaise et modernisme occidental à travers un matériau ordinaire fut son questionnement durant la construction du musée Punta della Dogana, à Venise.

Tadao Ando, maquette Punta della Dogana,© Mathias Frick
Le rapport à la nature
L’architecture japonaise est traditionnellement proche de la nature et crée un paysage cultivé typiquement local. Le temps dépose ses marques sur la nature, et c’est cette archéologie du paysage qu’il fut respecter. Vous pouvez sentir l’histoire dans un paysage.

Tadao Ando,Chichu Museum, 2005, ©Mathias Frick
Par exemple, lors de la construction du Chichu Museum à Naoshima en 2005, l’architecte choisit de construire en profondeur. Créer un bâtiment au bord de la mer en hauteur peut blesser le paysage, il faut l’encaver afin de ne pas blesser le relief. En japonais « chichu » signifie « underground ».
La lumière vient alors du haut.

Tadao Ando-Chichu Museum, 2005, ©Mathias Frick
Le sentiment du vide est également très important. Dans l’image ci-dessous, on a l’impression de se trouver dans une salle de cinéma, où l’écran ne diffuserait qu’ une seule image, une paroi de béton, qui fluctuerait au gré de la lumière.

Tadao Ando, Chichu Museum, 2005 ©Mathias Frick
Au japon, nous apprenons à créer un cosmos à partir du rien. Le choix du titre du film s’éclaire : “Du vide à l’infini” . Il s’agit d’une idée véhiculée par le boudhisme et qui imprégnera tous les arts au Japon.
Le film s’achève par une considération sur le terme « minimaliste » qui a souvent qualifié son oeuvre et que l’architecte commente ainsi : « Je ne comprends pas du tout ce que minimalisme signifie vraiment. Au lieu de labelliser mon oeuvre de minimaliste, je suggérerais ce qui suit : Conduire l’espace architectonique à ses limites et le compléter avec une influence humaine. Mon architecture est consciemment réduite et cherche les limites, mais des facteurs comme la vie humaine, la nature, la lumière du jour aussi bien que le changement de saisons l’enrichissent et la rendent plus profonde. Ceci crée une abondance qui va plus loin que le minimalisme. » On comprend que le terme de minimalisme pourrait se réduire à une économie de formes. Or l’architecture n’est pas un simple formalisme. Comme nous l’avons vu, c’est une éthique.
A regarder et à méditer.
Une série d’entretiens , Du béton et d’autres secrets de l’architecture, apporte des précisons sur l’emploi du béton chez Tadao Ando, notamment pour la construction du Musée de Fort Worth.
3 commentaires sur « Tadao Ando : From emptiness to infinity »