
portrait de Confucius (détail), estampage 1691, d’après une peinture du 8 ème S., gravée en 1118
Confucius, en chinois : Kongzi ou Kongfuzi (maître Kong). Confucius — nom latinisé par les jésuites au XV ème siècle — aurait vécu entre le VI ème et le V ème siècle avant Jésus-Christ, période des Printemps et Automnes (722-481) sous la dynastie des Zhou orientaux (769-256) ; les dates traditionnelles sont 551-479. Conseiller des princes et maître spirituel, il est né dans une Chine troublée qu’il voulait réformer. Le peu que l’on sait de lui est d’origine tardive et d’authenticité douteuse. Sa première biographie a été rédigée près de quatre cents ans après sa mort, et de toute évidence par la volonté de produire un récit qui décrit un homme extraordinaire. Ce récit oscille entre l’hagiographie, la légende et le récit historique.
Après sa mort, cet homme de mesure suscite une fascination telle qu’il devient un personnage récurrent dans de nombreux textes de la période des Royaumes Combattants (Vème-IIIè siècle av. J.-C.)

Sima Qian (145-86 AC)
C’est à Sima Qian (ou Se ma Tsien 145 av. J.-C. – 86 av. J.-C.), premier¹ à avoir tenté de décrire l’histoire de la Chine depuis sa création, que l’on doit la première biographie de Confucius, (Mémoires de l’historien (Shiji) “Annales de la Maison héréditaire de Confucius”, chapitre XLVII), c’est-à-dire pas moins de quatre siècles après sa mort, sous l’empire des Han. C’est à cette même époque que lui sont attribués les textes canoniques (les classiques (2)). Il devient alors le penseur officiel du pouvoir et la référence des “ru“, les lettrés.
Homme du commun et Saint suprême
Lors de son périple dans les différentes régions de l’empire, commencé en 126 avant notre ère, alors qu’il avait à peine plus de 20 ans, Sima Qian se rend dans le royaume de Lu, la patrie de Confucius, dont il est déjà un lecteur. Ce qu’il voit sur place, dans le temple familial, lui révèle une tradition toujours vivante : là, sont conservés les effets du maître et les lettrés continuent d’y manifester leur respect par leurs pratiques rituelles. Il écrit : “Voyant cela, je m’attardai, incapable de m’arracher à ces lieux. Dans le monde, nombreux sont les hommes puissants ou les hommes de talent qui connurent la gloire en leur temps, mais dont la mémoire s’éteignit aussitôt après leur mort. Confucius était un homme du commun vêtu de toile, mais son nom se transmit pendant plus de dix générations, révéré des hommes d’étude. Depuis l’empereur et les princes, tout ceux qui dans le pays du Milieu discourent des Six Classiques (2) s’en réfèrent au Maître, il est donc juste de l’appeler un Saint suprême!”

Confucius. Aquarelle anonyme extraite de l’album Portraits célèbres chinois (1635)
Plusieurs remarques. D’une part, la notion de sainteté est justifiée (donc) par la caution que lui donne la postérité : puisque que dix générations se réfèrent à Confucius, il doit être un homme exceptionnel. D’autre part, l’on peut se poser la question de savoir ce que signifie le mot “saint” dans la Chine des Zhou. A priori, ce mot appartient plutôt au vocabulaire religieux — et n’a d’ailleurs pas le même sens selon les religions — et il serait aisé de faire un anachronisme ou un contresens.

le mot “shenreng, homme accompli”
Danielle Elisseeff (cf. biblio) précise le sens de ce mot : ” Le”shengren” (3), “le saint”, est un “homme” (ren) accompli (sheng). (…) L’homme accompli se reconnaît à ses qualités de coeur.” L’accomplissement, pour aller très vite, est la perfectibilité et désigne un itinéraire totalement humain et terrestre, en l’occurence éthique et social, qui a peu à voir avec la religion ou une identité surnaturelle. Elisseeff poursuit “Chacun s’accorde à reconnaître en Confucius celui qui, le premier en Chine, place clairement l’homme au centre de sa réflexion, laissant les dieux à leurs empyrées”. Les notions de Ciel, Voie et ren (sens de l’humain, humain, humanité) méritent chacune un long développement, qui sera fait ailleurs, et qui dépassent le cadre de cet article. (Pour une définition succinte, se référer aux notes en bas de page). Ci-contre le caractère “shengren” dans la graphie de l’époque.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qui écrit. Se ma Tsien (Sima Qian), pour continuer dans le lexique religieux, prêche pour sa paroisse. D’origine humble également et parvenu à la notorié, il décrit son propre parcours et sa situation, c’est à dire fonctionnaire lettré, classe émergente à l’époque de Confucius exprimée par le vocable “shi“, puis “ru” à celle de Sima Qian. Il y a ici, mise en évidence dans la biographie même de Confucius, une idée maîtresse que reprendra Confucius lui-même : la valeur humaine compte d’avantage que l’origine sociale.
SHI et RU
Entre pouvoir et peuple se glissent des hommes aux talents nouveaux. Certains d’entre eux sont liés à l’ancienne famille des Shang, d’autres à des serviteurs de la cour, ou encore à l’actuelle mouvance des Zhou. Mais ils n’appartiennent ni à l’aristocratie en place, ni à la prestigieuse classe des devins, qui pendant des siècles ont fait la pluie et le beau temps car ils détenaient seuls une forme de savoir inégalé : ils avaient inventé une manière rationnelle de communiquer avec les morts, ainsi que l’écriture qui permettait d’en consigner la mémoire sous forme d’archives. (concernant les devins et l’invention de l’écriture, voir ici.). La formation de cette nouvelle élite relève d’une autre nature. Depuis leur enfance, ils étudient ce qui deviendra les six arts (liu chu) : les rituels, la musique, le tir à l’arc, la conduite des voitures (course aux chars), la calligraphe et le calcul. On les nomme les shi. Le pouvoir les apprécie pour leurs seuls talents sans se préoccuper de leur filiation ; dans les faits, cela revient à les tenir hors de la hiérarchie reconnue, les privant, par là-même de toute considération. Si bien que ces hommes compétents, recherchés, mais traités avec un certain mépris, tendent à devenir contestataires. Trop souvent en effet, ils n’exercent que des fonctions occasionnelles, soumises au bon vouloir de princes corrompus et versatiles. Les hommes nouveaux servent néanmoins leurs maîtres, car ils savent que nul ne pourra bientôt se passer d’eux, la société devenant chaque jour de plus en plus complexe. Ainsi les shi se situent déjà clairement au-dessus du peuple laborieux des paysans, des artisans et des petits marchands. Les shi sont les ancêtres des ru, ceux que nous nommons les “lettrés”. Confucius est l’un des leurs.
Ci-dessous, une des plus anciennes représentations retrouvées de Confucius, datant de la Dynastie Tang (618-907), gravée sur une stèle. Les représentations de Confucius le montrent comme un homme d’âge mûr : la vieillesse et la longévité sont des indicateurs de sagesse et de perfection.

portrait de Confucius, gravure sur stèle, période Tang
Quelques remarques concernant les portraits de Confucius

Confucius, statue contemporaine
On n’a, pour l’instant, retrouvé aucun portrait de Confucius exécuté de son vivant. Ce qui est propre à l’époque. Dès le XIII ème ou XII ème siècle avant J.-C. des visages animaient parfois des bronzes et des jades, mais il s’agissait de représentations symboliques. A l’époque de Confucius, il en va toujours ainsi. Aucune image du maître ne peut authentiquement rendre compte de son aspect physique. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit de lui donner une forme, les artistes, au fil des âges, se réfèrent aux propos des disciples et aux notions de la physiognomonie : celle-ci tente d’établir un lien entre certaines caractéristiques corporelles et la personnalité du sujet. Il est donc admis que, comme tous les individus hors du commun, Confucius, selon une iconographie stéréotypée, est grand, imposant ; son visage a un front haut et large, des traits appuyés qui soulignent une impression d’énergie. Ses sourcils sont broussailleux et sa barbe fournie. Il porte ici le bonnet des “officiers”.

Confucius, encre et couleurs sur papier, 1770, BNF
Récit de la vie de Confucius
Sa naissance
On dit que l’enfant se fit longuement désirer : 11mois. Chacun admira sa vigueur, son large front, son nez puissant, et s’étonna de la forme de son crâne : celui-ci portait en son milieu une forme de dépression, on aurait dit un massif montagneux qui en son ombilic pourrait recueillir de l’eau. Il reçut le nom personnel de Qiu, ce qui signifiait tertre ou colline et désignait en particulier une montagne non loin de Qufu que chacun connaissait et craignait. C’était devenu un lieu sacré où la mère de Confucius n’avait pas manqué d’aller prier pour demander un fils, après les neuf filles qu’avait eues son mari. Sima Qian écrit : Lorsque l’enfant naquit, sa mère entendit une musique merveilleuse, tandis qu’une voix s’élevait au ciel, proclamant la venue d’un sage. Une autre version dit que cinq vieillards apparurent, esprits des cinq planètes désignés par le nom des cinq éléments : or, bois, eau, feu, terre.
Le bébé exceptionnellement fort, présentait effectivement toutes les caractéristiques d’un héros : un haut front bombé, un nez puissant planté haut lui aussi, des yeux “larges comme un fleuve” et une bouche”dont le mouvement évoquait la mer“. Il est intéressant à ce propos de noter que le visage de Confucius allie un front en forme de montagne et des traits qui évoquent fleuve et mer. “Shanshui“, le paysage — et la peinture de celui-ci —, signifie “montagne et eau”, la montagne représente le principe Yang et l’eau, le Yin, deux entités cosmogoniques. La montagne représente métaphoriquement l’élévation de l’esprit. Il faut probablement voir ici la description d’une perfection et d’une totalité.
Ses noms

graphie du nom de Confucius, 2ème s. AC
A quinze ans, Confucius fit son entrée dans le monde des adultes et eut alors un nom officiel : Zhong Ni, “Ni le puiné”. Il avait bien un demi-frère, enfant infirme d’une ancienne concubine, mais donc inapte à reprendre la tête de la lignée et et le culte des ancêtres. L’on voulut y voir un mot qui se prononçait de même manière et qui désignait une colinne où se forme un creux d’eau. Allusion à son front, donc. De toute façon, bientôt réputé pour son érudition, le jeune recevrait le nom de Kongzi maître (de la famille) Kong, dont son propre lignage constituait une branche. Un Chinois possède presque toujours plusieurs noms. Selon les âges, puis les fonctions qu’il veut mettre en évidence, il utilisera l’un ou l’autre.
Sa biographie
Entre légende et histoire, la biographie de Confucius est à prendre comme une série d’événements symboliques. La légende qui raconte sa vie, après une longue gestation de deux mille ans, finit par se fixer tardivement dans la mémoire chinoise, au tournant du XV ème s. et du XVI ème s. de notre ère, en plein essor de la dynastie des Ming. “Chacune des péripéties porte un signe, un sens qui a parlé, ou parlera au coeur des hommes. Il faut donc moins y lire un récit cohérent qu’une guirlande de symboles, dans lesquels chacun apercevra , un jour ou l’autre, des miettes de son propre destin.” (Cf. Biblio 2.)
Une enfance précoce
L’histoire familiale de Confucius est marquée par l’absence du père, mort peu après sa naissance et dont la sépulture se dérobe longtemps à la connaissance et à la dévotion du fils. Enfant, il aimait jouer avec la vaisselle rituelle et semblait avoir un sens précoce de la dignité et des responsabilités. Au lieu de jouer avec des sabres de bois, il s’appliquait à disposer des vases de bronze cérémoniels et reproduisait les rituels et les cérémonies officielles dont il se plaisait à observer le détail.

objets rituels, Epoque des Printemps et Automnes, bronze
Les détails de l’enfance de Confucius convergent vers une image qui met en valeur sa précocité et son unicité.
Une humble origine
Son identité sociale paraît à mi-chemin entre l’homme du peuple et la catégorie montante des “officiers”, conseillers sans attache déterminée, car ils ne sont pas issus des familles nobles et le système du fonctionnariat n’est pas encore mis en place. Son humble position fait qu’il est d’abord repoussé.

Confucius par Wu Daozi (680-740 PC)
Le récit de Se ma Tsien continue décrivant une vie traversée d’expériences qui reflètent la formation nécessaire à tout bon fonctionnaire : il commence en bas de l’échelle. Devenu majeur, il commence sa carrière en gérant un grand domaine agricole (vers 534-532 AC) et préposé au comptage des pieux nécessaires pour attacher les boucs et moutons, ainsi qu’à l’achat de la nourriture pour les bêtes. Il sait alors se montrer indispensable et le cheptel augmente. C’est à cette époque qu’il a un fils : Kong li.
Descendant d’un Saint
Mais le chef du clan Mengsun, l’une des trois famille du royaume de Lu, aurait dit : “Confucius est le descendant d’un Saint Souverain (Tang le Victorieux, fondateur de la dynastie des Shang) (…) J’ai appris que parmi la descendance d’un Saint apparaîtra forcément un homme accompli même s’il ne règne pas dans le siècle. Voyez Confucius qui tout jeune s’est épris du rituel, ne serait-il pas cet homme accompli ? Que mon fils le prenne pour maître après ma mort.” Une descendance illustre lui est tardivement attribuée.
Initiation aux rites royaux
Confucius gagne ainsi quelques disciples issus de l’élite de Lu, et obtient du duc de Lu la permission de se rendre à la cour des souverains Zhou, qui était le centre historique et politique de l’époque vers 518. Le but de sa mission est de permettre aux provinciaux de faire le point sur les rites corrects, tels qu’ils sont pratiqués à la capitale. Il apprend à l’ombre des maîtres de la capitale. Son séjour le transforme et le met à la mode ; lorsqu’il revient au pays, on se presse à sa demeure pour lui demander conseil.
Rencontre avec Laozi

confucius et laozi
Se ma Tsien rapporte que, dans son voyage vers Zhou, le jeune homme aurait rencontré Laozi (Lao tseu), sage et scribe des Zhou, dont la tradition a fait le fondateur du taoïsme. Lorsqu’ils se séparèrent Laozi lui parla ainsi : “Celui dont la perspicacité éclaire les profondeurs risque cependant la mort s’il utilise sa science afin de critiquer autrui. Celui dont l’entendement s’étend au loin, met cependant sa propre vie en danger s’il dévoile les bassesses d’autrui“. Ces paroles signifiaient que Confucius était encore trop près des hommes de pouvoir et qu’il fallait s’en éloigner.
La Voie des anciens
La carrière de Confucius comme conseiller et ministre est en effet un parcours largement marqué par l’échec. Il se révèle être un empêcheur de tourner en rond, soucieux de faire revenir les anciens sur la “Voie des Anciens rois” en proposant un art de gouverner fondé sur la bienveillance, le charisme moral et l’efficacité des rites (li).(4)
Le contexte politique de l’époque est difficile : le petit royaume de Lu est menacé par ses puissants voisins. A l’intérieur, la situation se dégrade au point que le pouvoir effectif tombe aux mains des grandes familles, voire de leurs officiers. Confucius est parfois consulté, mais jamais écouté.
Les débuts de l’enseignement (vers 517-500)
Confucius, désespérant de se faire entendre des grands de ce monde, se replie chez lui. Il accueille tout un chacun, pourvu que le candidat au titre d’élève se présente avec sincérité. Les riches donnent beaucoup, les pauvres apportent un peu de viande séchée. Pour lui, seul compte le talent. Il semble avoir refusé de prendre en charge quiconque se montre incapable d’une réflexion sensée. Ci-dessous, représentation de Confucius avec ses disciples.

Confucius et ses disciples
L’emploi du temps s’organise autour d’un programme en quatre points , simples en apparence : étudier les textes anciens et définir ceux qui méritent cette qualification, pratiquer la vertu, sous ses multiples aspects, servir loyalement ses supérieurs, tenir ses promesses. Ses enseignements se retrouvent dans les entretiens ( Entretiens (Lunyu) VII, 24). Il se veut simple passeur de relais et non craquer de théories neuves ” “Je transmets l’enseignement des anciens, sans rien créer de nouveau , car il me semble digne de foi et d’adhésion” (Entretiens (Lunyu), VII,1)
Gouverneur, ministre … et conseiller
C’est à la cinquantaine passée que Confucius devient d’abord Gouverneur (vers 501), puis ministre et même, honneur suprême, conseiller du gouvernement (496). Son efficacité est telle qu’au bout de trois mois, les moeurs sont profondément transformés.
Ci-dessous, portrait de Confucius en ministre de la justice de l’Etat de Lu (détail). On remarque le front soucieux et l’expression triste de celui qui constate la décadence et ne parvient pas à se faire écouter. Peinture sur soie (détail), encre et couleur légères, montée en rouleau. Epoque Ming (1368-1644). Il porte ici la coiffe de ministre.

Portrait de Confucius en ministre, Epoque Ming, peinture sur soie,
Les soixante danseuses
Mais le puissant voisin, le royaume de Qi, inquiet d’une telle renaissance met tout en oeuvre pour voir échouer cette expérience : il envoie une troupe de danseuses destinées à faire tourner la tête du souverain de Lu. Ci-dessous, à gauche, la troupe de danseuses. Celui-ci, pris au piège, se détourne de ses obligations. Désespéré, Confucius choisit l’exil.
L’exil
Quatorze années durant, il voyagera à travers divers royaumes sans qu’il puisse appliquer ses principes politiques. Il lui arrive de vouloir servir ceux-là mêmes qui usurpent le pouvoir légitime, mais son disciple Zilu se charge de l’en empêcher en le rabrouant fortement. Passant d’un prince à l’autre, il se rend compte que son exigence morale ne s’accordera jamais à la réalité politique du temps. Son royaume n’est pas de ce monde, et il renoncera à briguer une quelconque charge.
carte de la Chine des Printemps et Automnes (771-481/453 AC)
Son retour
Se ma Tsien clôt le récit de cette carrière manquée par trois brefs propos tenus par Confucius à son retour à Lu, l’un face au prince de Lu, les deux autres face au chef du clan des Ji alors détenteur du pouvoir effectif. Le duc Ai de Lu questionna Confucius sur l’art de gouverner et celui-ci répondit.”Tout l’art de gouverner consiste dans le choix des ministres!” Et à Ji Kangzi qui posait la même question ” Placez les hommes droits au-dessus des hommes pernicieux“. Au même qui se désolait de voir le pays infesté de voleurs : “Si vous-même n’étiez pas si cupide, paieriez-vous ces gens-là pour voler qu’ils ne le feraient pas“.
Malgré la richesse infinie de cette vie d’étude, épuisant tous les domaines du savoir, rassemblant de nombreux disciples hauts en couleur, la biographie de Se ma Tsien se conclut dans une tonalité sombre. Confucius consacrera son énergie à définir les notions qui lui tiennent à coeur et à les enseigner, loin des princes et des puissants qui l’ont déçu.
Ci-dessous, peinture sur soie représentant Confucius et ses disciples. L’on remarquera à ce propos la taille démesurée de Confucius, caractéristique physique qui exprime sa grandeur morale.

Confucius et ses disciples, Li Tang, (1050-1130), peinture sur soie
Le maître meurt avec le sentiment que sa Voie ne sera pas transmise, en prononçant ces mots : “Le Mont sacré s’écroule! La poutre faîtière s’effondre ! Le sage se fane!”
Confucius résume ainsi sa vie dans les Entretiens :
“Le maître dit : A quinze ans, je résolus d’apprendre. A trente ans, je m’affermis dans la Voie. A quarante ans, je n’éprouvais plus aucun doute. A cinquante ans, je connaissais les décrets du ciel. A soixante ans, j’avais le discernement parfait. A soixante-dix ans, j’agissais en toute liberté, sans pour autant transgresser aucune règle“.
Cette “autobiographie” montre que la recherche de la sagesse est ce qui définit la vie d’un homme et lui permet de progresser par étapes. Elle commence par l’étude, qui permet à l’homme de suivre la Voie (cf note 5) et de connaître ce qui est bon. Puis vient la connaissance du Ciel, c’est-à-dire, les lois de la nature. Le discernement, enfin, permet de se libérer du monde et de ses soucis en accord avec les rites.
Notes
(1) Se ma Tsien (Sima Qian) est un historien chinois, le premier à avoir tenté de décrire l’histoire de la Chine depuis sa création. Tous les historiens impériaux chinois se sont par la suite inspirés de son œuvre, le Shiji (史記 / 史记).
(2) Les classiques ( Jing : 經), Classique ou Canon)désigne en Chine les ouvrages dont le contenu est considéré comme « permanent » (littéralement jing signifie « constant ») et orthodoxe du point de vue du confucianisme. Le Classique des documents (Shu jing) contient des pièces d’archives et des scénarios de danses rituelles provenant surtout de la cour royale des Zhou, mais aussi de celle des Jin. Seule une moitié de ce classique est tenue pour authentique. De la cour des Zhou proviennent aussi des chansons rituelles, auxquelles on a adjoint aux VIIIe – VIe siècle av. J.-C. des chansons populaires, réunies dans le Classique des vers (Shi jing). Le milieu des différentes cours royales a aussi produit des annales notant les événements de façon très précise. Les seules à avoir subsisté sont celles du royaume de Lu, connues sous le nom de Annales des printemps et automnes (Chun qiu), ou Annales du royaume de Lu. Elles relatent, dans les parties conservées, des événements allant de 722 à 481. La divination au moyen de tiges d’achillée, est à l’origine du manuel de divination en usage à la cour des Zhou, connu sous le nom de Classique des mutations(Yi jing). À ces quatre ouvrages contenant les plus anciennes traditions de l’Antiquité, les lettrés de Lu ont ajouté le Classique des rites (Li jing) et un traité de musique, le Classique de la musique (Yue jing). Selon les époques, ces classiques peuvent être cinq, sept, neuf ou treize. Les entretiens de Confucius ou analectes sont également considérés comme un classique.
(3) L’accomplissement, la perfection doit se comprendre comme un processus : tout homme est perfectible, mais cette perfectibilité est infinie, le chemin qui y mène est continu et n’a pas de terme. Perfection et accomplissement signifient en fait : très loin sur le chemin de la perfectibilité et de l’accomplissement.
(4) Le mot li, “rite”, “esprit rituel” désigne les codes à respecter , la norme sociale, selon son rang, en privé ou en public. Ce mot désigne aussi bien la façon de se comporter en public, de saluer un ami ou de respecter ses parents, que les procédures à suivre lors des cérémonies de mariages ou des funérailles. Autrement dit, c’est savoir se tenir en toutes circonstances en observant des codes précis, et en accord avec son rang. Ces codes descendent de la “nature des choses” et du “cours des choses” (li, homophone) qui est premier et fournit les raisons du second. A l’origine, “li” désignait les nervures du marbre, c’est à dire , en quelque sorte, l’écriture de la nature.
(5) La “Voie”, “Dao”, est celles des Anciens, elle s’exprime dans le respect des rites et est ce que veut le Ciel, cette autorité impersonnelle qui règle le cours des choses. Il s’agit de se conformer à la séparation naturelle entre le Ying et le Yang, principes ordonnateurs de l’univers. Explication qui rompt avec l’invocation d’identités surnaturelles. “Le changement de dynastie des Shang aux Zhou se caractérise par le passage d’une culture magico-religieuse à une culture éthique“. (cf.biblio, Anne Cheng)
(6) Le Ciel “Tian” : De la dynastie des Shang à celle des Zhou, on passe du mot “di” : divinité suprême au mot : “tian” : “ciel”
Bibliographie
1.Cheng, Anne, Histoire de la pensée chinoise, Points, essais, 1997
2.Elisseeff, Danielle, Confucius, Des mots en action, Découvertes Gallimard, 2003
3. Fingarette, Herbert, Confucius, du profane au sacré, PUMontreal, 2004 (eo, 1972)
4. Revue Le Point, Hors série-Les maîtres penseurs, Confucius, le vrai maître de la Chine, Juin-juillet 2002.